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dimanche 9 septembre 2012

Philippe de Rémi, sire de Beaumanoir

Philippe de Rémi, sire de Beaumanoir est un poète né vers 1210 et mort en 1265 et originaire du village de Remi en Picardie .Il ne faut pas le confondre avec son fils qui a écrit "Les Coutumes de Clermont en Beauvaisis"



Fatrasies

I

Le chant d'une rainette
saigne une baleine
au fond de la mer,
et une sirène
emportait la Seine 
au dessus de Saint-Omer.
Un muet y vint chanter
sans mot dire à haute voix:
s'il n'y eût Warnaviler, 
ils fussent noyés dans la veine
d'une tête de sanglier.

II

Le pied d'un ciron
frappa un lion 
si bien qu'il le blessa.
La moelle d'un jonc 
a pris un limon
qui s'en courrouça;
il le proclama mauvais larron.
Voici le bec d'un verdier
qui les démêla si bien
que la plume d'un oison
emporta tout Paris

III

Je vis toute la mer
s'assembler sur terre
pour faire un tournoi,
et des pois à piler
firent sur un chat 
monter notre roi.
Alors vint je ne sais quoi
qui prit Calais et Saint-Omer
et les mit à la broche;
ainsi les a-t-il fait reculer 
sur le Mont-Saint-Eloi.

IV

Un grand hareng saur 
avait assiégé Gisors
d'un côté et de l'autre,
et deux hommes morts 
vinrent de toutes leurs forces,
portant une porte;
sans une vieille tordue
qui alla criant "Dehors!",
le cri d'une caille morte
les eût rapidement pris
sous un chapeau de feutre.

V

Le gras d'un poulet 
mangea au brouet
Pont et Verberie.
Le bec d'un coquelet 
emportait sans plaidoyer
toute la Normandie.
Et une pomme pourrie,
qui a frappé d'un maillet
Paris et Rome et la Syrie,
en fit ainsi une gibelotte:
nul n'en mange sans en rire.

VI

Un dé étourdi
portait Saint-Denis
en plein Montdidier,
et une perdrix 
traînait Paris
sur Saint-Riquier.
Voici le pied d'un pluvier
sur le clocher de Senlis
qui si fort se mit à crier
qu'il a tout étourdi
les bourgeois de Montpellier.

VII

Une grande carpe 
entraînait l'Oise
au dessus d'un haut mont,
et une vieille caque
au-dessus d'une toise
emporta Hautmont.
Une mesure de guenille
pèse quarante muids de blé 
sur le château de Clermont,
si bien qu'une vieille prune de Jouarre
soûla tout le monde.

(Traduction Jean Dufournet)
(Anthologie de la poésie lyrique française des XIIe et XIIIe siècles, 1989)

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