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vendredi 7 juin 2013

Retour à Pontorson

Le groupe s'étire sur une vingtaine de toises, et son allure est vive. Pas le temps de regarder le paysage ou de flâner en chemin. Philippe a reçu l'ordre d'accompagner le groupe de prisonniers.
Ils sont partis dès potron-minet après avoir avalé une soupe chauffée sur les restes du feu de camp. Le départ s'est effectué dans un grand désordre apparent, mais rapidement une colonne s'est formée, chacun prenant  sa place.
Philippe monte un cheval récupéré aux Anglais, et suit le rythme imposé pour parcourir les quelques huit lieues jusqu'à Pontorson avant la fin de la journée.
Après avoir quitté la Ville Esnault, passé les deux gués de Meillac, ils ont pris la direction de Combourg par le chemin de Dinan.

Gisant de Jeanne de Dol, Combourg
Jeanne de Dol
Dame de Combourg

A l'entrée de la rue de Combourg il y avait presse. L'encombrement était complet du fait d'un convoiement de grandes écoperches de bois de châtaignier qui servaient à la fabrication des échafaudages des murs du château alors en construction. Les murs sortaient de terre et pour l'élévation de l'édifice tout un système de perches et de boulins liés était indispensable au travail des maçons.
http://linutil.pagesperso-orange.fr/os2010_10.htm
Il fallut attendre que les bûcherons s'engagent sur le chantier pour enfin traverser la bourgade à bride abattue. Ils laissèrent une forte impression entre les murs de la cité qui résonnèrent longtemps du bruit de la cavalcade.
Combourg passé, l'étape suivante avait été fixée au château de Landal, qui avait été repris aux Anglais en 1354 par Arnoul d'Audrehem, alors maréchal de France. Il avait opéré par surprise et fait prisonnier Hugues de Calveley, héros de la bataille de Poitiers et du Combat des Trente.


Château de Landal

BdG rejoint le groupe à l'arrivée à Landal après avoir fait halte au château de Combourg à la demande de Jeanne de Dol, dame de Combourg et veuve du héros du Combat des Trente Jean de Tinténiac. La châtelaine de Combourg connaît bien notre héros et ne manque jamais de lui demander son avis sur la construction des murailles, domaine dans lequel il excelle surtout pour les démolir . Il a donc parcouru le chantier, provoquant ainsi la furie de l'architecte à qui BdG a promis la ruine de son édifice en moins de temps qu'il lui en fallait pour le dire.
Philippe se réjouissait à la vue du remue ménage que provoquait l'arrivée d'une telle quantité de cavaliers dans la cour du château. Ça grouille de tous côtés dans un boucan d'enfer. Tout est près pour les chevaux, eau et fourrage, pour les hommes une soupe fumante.


Meillac-Pontorson par Landal

Tout affairé à la vérification du harnachement de son cheval qui l'inquiétait un peu du fait de son apparente vétusté, Philippe n'avait pas remarqué le jeune homme qui l'observait à quelques pas de là. D'allure modeste, il n'en donnait pas moins, à maints égards, l'impression d'une certaine assurance. Sa taille probablement, y était pour beaucoup dans l'effet qu'il produisait au premier contact. Une force paisible que rien ne semblait effrayer.
Tu es bien le fils Rousselin, entendit-il demander. Surpris par le ton de la voix, Philippe, après un regard inquiet, acquiesça. Sans attendre de réponse plus précise, le jeune homme lui parla de la guérisseuse que BdG avait fait aller chercher après la bataille pour soigner les blessés. La connaissait-il? Bien sûr qu'il la connaissait. Comment s'appelait-elle? Berc'hed. Saurait-il la retrouver? Évidemment, mais pourquoi faire?
Il lui dit d'abord sa méfiance envers ces magiciennes au savoir mystérieux, mais il l'avait vu soigner les blessés et surtout, il avait constaté les résultats après peu de temps sur les soldats qui avaient bénéficié de sa médecine et qui louaient son pouvoir analgésique. Il voulait la retrouver pour lui demander de soigner son jeune frère qui souffrait le martyr d'une grave blessure qui ne guérissait pas. Il lui raconta comment, ayant entraîné son frère dans une échauffourée, celui-ci reçu un mauvais coup qui le laissait dans d'atroces douleurs.
Ber'hed, Philippe l'a toujours connue. Il est allé souvent la chercher pour l'emmener voir qui allait mal suite à un coup de sabot de cheval, ou bien qui était terrassé par une fièvre infernale, ou encore pour remettre sur ses pattes une vache qui ne pouvait plus quitter l'étable. Ses pouvoirs étaient grands. Ses ennemis nombreux.
Il se souvient, par bribes, de son histoire qu'il entendait raconter par la vieille femme qui baragouinait un dialecte fait de breton, de français, de latin et aussi de quelques mots et expressions arabes qu'elle avait appris au contact d'un maure qui avait suivi un chevalier breton au retour d'une croisade. Il aimait bien l'entendre avec son accent rocailleux lui dire sur le ton de la confidence les mille et une péripéties de son existence solitaire.



L'anecdote qui lui plaisait le plus était celle de la libération de sa mère par le duc de Bretagne qui lui avait sauvé la vie et à qui elle avait offert, pour le remercier, son chien, un magnifique lévrier du nom de Yoland. En effet la mère de Berc'hed, Marc'harid, peut-être un peu plus sorcière que sa fille, avait été condamnée au bûcher par un clergé vindicatif et inquisiteur et n'avait dû sa survie qu'aux bonnes grâces de Jean III. Marc'harid avait vu la mort de près, elle avait même vu les fagots au pied du poteau. Mais elle avait été tirée des griffes de l'inquisiteur grâce à l'intervention de protecteurs qui lui devaient bien ça.
Malheureusement, ses problèmes ne s'étaient pas terminés là. Il lui avait fallu fuir devant les menaces. Après une longue marche, à bout de force, elle s'était installée avec sa petite dans la forêt de la Ville Esnault, non sans avoir suscité au départ une certaine méfiance chez les autochtones qu'elle avait su réduire en pratiquant son art avec discernement . Rapidement elle était devenue incontournable. Même l'infirmier de l'abbaye de la Vieuville venait lui demander des remèdes. Au fil du temps sa fille Ber'hed l'avait remplacée avec la même efficacité.
"Tu ne la trouveras pas facilement la Ber'hed, la forêt est immense et elle la parcoure en permanence à la recherche des plantes." répondit Philippe. Il lui donna quelques détails pour qu'il ait quelques chances de la rencontrer et surtout la manière de s'en approcher pour ne pas l'effrayer. Elle avait ce don incroyable de se fondre dans la nature quand elle se sentait en danger.  Le jeune homme était prêt à tout pour sauver son jeune frère, même à passer la forêt au peigne fin.

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